Emission 111 : Le chantier de Notre-Dame de Paris au Moyen Age, avec Maxime L’Héritier

Cent onzième numéro de Chemins d’histoire, trentième numéro de la troisième saison

Émission diffusée le dimanche 24 avril 2022

L’invité : Maxime L’Héritier, maître de conférences à l’université Paris 8, coauteur, sous la direction de Boris Bove et de Claude Gauvard, de Notre-Dame. Une cathédrale dans la ville. Des origines à nos jours, Belin, 2022.

Le thème : Le chantier de la cathédrale Notre-Dame de Paris, du Moyen Age à nos jours

Le canevas de l’émission

Une contribution qui s’inscrit dans un ouvrage collectif. Contours du projet dirigé par Boris Bove et Claude Gauvard. Un ouvrage né à la suite de l’incendie du 15 avril 2019. Un ouvrage « total » sur l’histoire de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Un ouvrage qui revient sur la genèse du bâtiment, depuis le IVe siècle, soit plusieurs siècles avant le chantier des XIIe-XIIIe siècles et qui trace l’histoire de l’édifice jusqu’en 2019 et cette « émotion patrimoniale » décrite par Guillaume Cuchet. Le chapitre de Maxime L’Héritier (chapitre 2, sans doute le plus technique de l’ouvrage, mais avec des repères lexicaux et un glossaire en fin d’ouvrage) figure dans la première partie d’un ouvrage organisé en quatre moments (« La genèse du bâtiment », jusqu’au XIVe siècle, 3 chapitres ; « Les fonctions de la cathédrale », du XIIe au XVIIIe siècle, 7 chapitres ; « Notre-Dame dans le siècle », de 1789 à nos jours, 4 chapitres). L’expertise de Maxime L’Héritier. Thèse sur l’utilisation du fer dans l’architecture gothique (2007, Paris I) ; domaines thématiques (archéométallurgie, histoire des techniques, histoire de la construction, archéologie du bâti). Maxime L’Héritier coordonne le groupe de travail « Métal » au sein du chantier scientifique CNRS / Ministère de la Culture. Explications.

Les travaux et leur chronologie. La construction de la cathédrale est étroitement associée à son commanditaire, Maurice de Sully, évêque de Paris (1160-1196). La date de la pose de la première pierre (24 mars 1163, en présence du pape Alexandre III) n’est pas avérée. Travaux engagés dès le début des années 1160 ? Quelles motivations pour Maurice de Sully peu de temps après l’achèvement de l’édifice roman ? Des modèles extérieurs ? Saint-Denis, Noyon, Senlis Laon. Les étapes de la construction et les hypothèses. Travaux d’est en ouest. Le chœur, terminé en 1177, à l’exception de son « couvrement majeur », nous dit la chronique de Robert de Torigny (abbé du Mont-Saint-Michel) ? Interprétation du terme « tectonium ». Toit ? Sans voûte ni charpente, en 1177 ? Le 19 mai 1182, le maître-autel est consacré par le légat du pape, date habituellement retenue pour l’achèvement du chœur, voûtes comprises, ce qui est récemment remis en cause. Pourquoi ? Quelle chronologie alors ? Voir le don de 100 livres en 1196 par Maurice de Sully pour construire le toit de la nouvelle œuvre en plomb, facture en cours ou à venir de la couverture du chœur ou de la nef. Les travaux dans la nef, justement : quelle chronologie ? A la fin du XIIe siècle, les travées orientales de la nef sont construites et les parties basses des travées occidentales ainsi que les bases de la façade occidentale au nord sont jetées (p. 72). En 1208, l’ensemble de la surface de la cathédrale actuelle est libéré. Charpente de la nef posée vers 1215 ? Mais avant ? Vers 1220 se termine le gros œuvre, c’est ce qu’on dit habituellement. Années 1220 : ouverture d’une campagne de réfection des parties hautes de la cathédrale. Réfection des fenêtres hautes. Charpente et couverture intégralement reconstruites sur le chœur comme sur la nef. Pourquoi ? Hypothèse : les travaux de modification des parties hautes s’inscriraient plutôt dans la continuité du chantier de la nef que comme une réfection intégrale de l’édifice. Les voûtes sexpartites de la nef de Notre-Dame datent peut-être seulement de cette époque. Une nouvelle chronologie qui peut ouvrir le débat sur l’élévation du transept de l’édifice… Le chantier de restauration permet d’ouvrir ces nouvelles perspectives. Adjonction de chapelles entre les contreforts des arcs-boutants dans la nef (1225-1250) puis dans le chœur (1260-1320). En 1245 est mentionnée, pour la première fois, la sonnerie des cloches (finalisation des deux tours de la façade occidentale). Années 1250 : allongement des deux bras du transept et création des deux portails monumentaux surmontés de leurs gigantesques roses rayonnantes.

Virgule

La question des matériaux et de leur approvisionnement. Quel acheminement ? La Seine et le port Saint-Landry. La pierre : des calcaires parisiens. Plus ou moins tendres, plus ou moins durs. Quelle provenance exacte ? Le Sud-Est parisien, la vallée de la Bièvre, vers Charenton ou Saint-Maurice. Le bois : quelle quantité de chêne ? Des chênes des forêts de l’évêché et du chapitre ? Perspectives ouvertes par le chantier de restauration actuel. Point sur le métal : fer (alliages ferreux qui font partie du tout-venant, agrafes qui semblent avoir été fabriquées en soudant deux barres de fer plus courtes). Le fer allié de la pierre. Provenance ? Pour le plomb, multiples sources d’approvisionnement. De l’importance du remploi sur le chantier de Notre-Dame.

Les acteurs du chantier. Quelles sources pour connaître ce monde ? Les équipes sur place (ne pas oublier cependant ceux qui ont financé le chantier). On ignore tout du nom des architectes ayant travaillé à Notre-Dame de Paris avant le milieu du XIIIe siècle et les noms prestigieux de Jean de Chelles ou de Pierre de Montreuil. Ouvriers et artisans. Des femmes sur le chantier (fabrication du mortier par exemple) ? Des ouvriers non qualifiés, hommes de bras. Des savoir-faire incroyables. Tailleurs de pierre, charpentiers. Le travail se fait-il systématiquement sur place ?

Un défi technique. Nef à cinq vaisseaux de 37 mètres de large et de 125 mètres de long, 32 mètres sous voûte ! Comment une telle élévation a-t-elle été possible ? La technique de pointe de la charpente (une charpente à contreventement longitudinal, p. 95). Une stabilité incroyable du monument.

D’un chantier l’autre… Voir la photographie, p. 75.

Notre-Dame de Paris, décembre 2020, avec vue sur les agrafes de fer étudiées par Maxime L’Héritier

Complément

Voir aussi ce texte signé Maxime L’Héritier et paru sur le site The Conversation en août 2022.