Mort du petit Emile : « Il semble que la lésion sur son crâne soit plutôt en lien avec un coup »
Après le rebondissement de la semaine dernière et les quatre gardes à vue, notamment des grands-parents maternels du petit Émile, où en sont les enquêteurs ? La piste familiale dans la mort du garçonnet, disparu en juillet 2023 au Haut-Vernet, est-elle abandonnée ? Damien Delseny, responsable du service police-justice, a répondu à vos questions ce lundi 31 mars.

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Merci pour vos très nombreuses questions. N'hésitez pas à continuer à nous suivre pour tout savoir sur les suites de l'affaire de la mort du petit Émile. Et bonne fin d'après midi à toutes et tous !
Un lien avec l'affaire du petit Yannis est-il étudié également par les enquêteurs ?
ChrisUn lien non. Mais évidemment, Chris, les similitudes entre les deux dossiers interpellent même si ces deux évènements se sont déroulés à 35 ans d'écart. Le petit Yannis, 3 ans, a disparu en mai 1989 dans un petit village des Alpes-de-Haute-Provence, Ganagobie. C’est-à-dire dans le même département que le Haut-Vernet. Les circonstances aussi sont troublantes de ressemblance. Yannis jouait à construire une cabane avec ses frères, tout près du domicile familial, lorsque ces derniers, après s'être absentés quelques instants, l'ont perdu de vue. Seize mois plus tard des vêtements de Yannis ont été découverts à quelques centaines de mètres de son lieu de disparition. Ces vêtements avaient manifestement été déposés à cet endroit « par une main humaine ». 35 ans plus tard, cette affaire demeure non résolue. Pour rappel, en 1989, les moyens et les techniques d'enquête n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui. Mais 35 ans plus tard, y compris avec les progrès de la science criminelle, certaines enquêtes comme celle autour de la disparition d'Émile demeurent très complexes…
Bonjour. L'hypothèse qu'Émile ait été enlevé puis séquestré est-elle encore possible ? A-t-on pu dater précisément la date de décès par rapport à la date de disparition ? Je n'arrive pas à comprendre le fait que le corps ne se soit pas décomposé dans les vêtements... Merci pour votre réponse
AlexBonjour Alex, en l'état les expertises disent ceci : 1. le corps a séjourné dans deux endroits différents donc a été déplacé. 2. au moment de leurs découvertes le 30 mars 2024, les ossements n'étaient à cet endroit que depuis quelques jours ou quelques semaines, en tout cas depuis un temps assez récent. 3. Le t-shirt n'était pas sur le corps lorsque celui-ci s'est décomposé. Il a donc été retiré, stocké lui aussi puis déposé à proximité des ossements. Pour le reste toutes les interprétations sont encore possibles, y compris celle d'un enlèvement et d'une séquestration, même si elle ne semble pas privilégiée.
Bonjour. Peut-on imaginer, dans le cas d'un drame intrafamilial incluant plusieurs personnes, que l'oncle et la tante à peine majeurs, aient pu tenir pendant 48 heures face à des enquêteurs chevronnés ?
MaximeBonjour Maxime. C'est peut-être « LA » question que nous nous sommes tous posés des dizaines de fois depuis la semaine dernière. Le grand-père étant considéré comme le « suspect N°1 » par les enquêteurs, le placement en garde à vue de son épouse et de deux de ses enfants reposait sans doute sur l'espoir d'une « libération de la parole » de ses proches et d'un secret trop lourd à porter. En réalité il existe toujours deux options : 1. La famille « tient » parce qu'elle est totalement innocente et qu'il n'y a aucun secret. 2. Le drame intrafamilial de la mort du petit Émile est pour l'instant moins fort que les liens qui unissent la famille et qui permettent de maintenir l'omerta.

Les blessures sur le crâne peuvent-elles être analysées pour savoir si c'est une voiture ou un coup porté ?
SiamoiseBonjour, c'est tout le travail des experts. Depuis le début de l'enquête, plus de 60 expertises en tout genre ont eu lieu. Certaines très pointues. Concernant celles effectuées sur le crâne une partie concerne effectivement l'examen des lésions. D'après les éléments dont nous disposons, il semble que la lésion soit plutôt en lien avec un coup. L'hypothèse d'un choc avec une voiture est moins privilégiée, d'autant qu'un choc au milieu du hameau entre une voiture et un enfant aurait laissé des traces, et ne serait que difficilement passé inaperçu. En tout cas ce n'est pas l'hypothèse privilégiée par les enquêteurs.
Est-ce que le petit Émile aurait pu remonter du lavoir pour rejoindre la maison des grands-parents sans être vu par des gens ? Il a peut-être entendu les appels quand ils se sont aperçus qu'il avait échappé à la surveillance ? Ils ont dû appeler dans la rue ? Émile aurait-il rebroussé chemin ?
ChamadeBonjour, la question que vous posez est intéressante parce qu'elle est au cœur de l'enquête et de sa difficulté. Comme dans toutes les affaires de disparitions, il faut se fier aux derniers témoignages de ceux et celles qui ont vu la personne disparue en dernier. C'est une indication mais jamais une certitude absolue. C'est pour cette raison aussi qu'une « remise en situation » a été effectuée en mars 2024 en présence de 17 personnes qui étaient sur place dans le hameau ce jour fatidique. L'idée était de vérifier si les témoignages se recoupaient, s'ils étaient crédibles, si tout le monde avait vu la même chose, à la même heure, et si éventuellement un ou plusieurs témoignages n'étaient pas compatibles entre eux. Donc, oui pour répondre à votre question, le point exact de la disparition d'Émile n'est pas une certitude absolue. Il a été vu pour la dernière fois près du lavoir, mais il a pu bouger ensuite sans être vu.

Est-ce que le sang retrouvé sur la jardinière a pu être analysé ? Plus généralement, ne pensez-vous pas qu'il s'agit plus probablement d'une mort accidentelle du petit garçon qui a été dissimulée par la suite ? La piste criminelle me paraît tellement sordide que je préfère l'exclure
Franck-g75Bonjour Franck. Pour l'instant, les analyses pratiquées sur la jardinière n'ont pas livré leurs conclusions. Pour ce qui est du scénario, tout est encore possible : accident, geste volontaire… Cependant, les manipulations qui ont suivi, avec le déplacement du corps, donnent une connotation plus criminelle à l'ensemble. Il y a derrière ces agissements une volonté non seulement de cacher quelque chose mais aussi de construire un scénario alternatif à la vérité de manière à faire croire à un accident.

Comment peut-on mettre en GAV (garde à vue) avec de telles accusations (qui nous ont paru très plausibles) et ressortir libres ? Était-ce un coup de poker ??
VgBonjour. Le placement en garde à vue d'un ou plusieurs suspects dans une affaire criminelle ne nécessite que des « soupçons ». La mise en examen en revanche nécessite aux yeux de la loi « des indices graves et concordants ». C'est toute la différence. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un coup de poker. Les enquêteurs ont accumulé depuis des mois un certain nombre d'éléments qui nécessitaient sans doute ce placement en garde à vue des grands-parents maternels et de deux de leurs enfants majeurs. Je parlerais plutôt d'un « coup de pression » plutôt que d'un coup de poker.
Y a-t-il un lien entre le suicide du prêtre et la mort du petit Émile. Soupçonnait-il un membre de la famille ?
FanfanBonjour Fanfan, le procureur de la République a affirmé jeudi dernier que « non ». Le seul lien est en quelque sorte donc « chronologique » puisque le suicide est intervenu quelques jours seulement avant le placement en garde à vue des quatre membres de la famille Vedovini. Autre certitude, le prêtre avait été en conflit avec la famille d'Émile qui lui reprochait d'avoir fourni une photo de l'enfant aux journalistes. Cette dispute, ajoutée à un autre différend de caractère plus « théologique » semble-t-il, a en tout cas eu des conséquences pour le prêtre qui a été « sanctionné » par la suite.
Bonjour. Je trouve que le temps écoulé entre la disparition de l'enfant et le signalement à la gendarmerie par les grands-parents du petit est assez court. Qu'en pensez-vous ? Aurait-il pu être victime d'un accident ou acte volontaire la veille ou bien des heures avant le signalement ? Aurait-il vraiment fait une sieste jusqu’à 17h ? Merci !
ZaharaBonjour Zahara, effectivement l'appel à la gendarmerie est passé à 18h12. Et les derniers témoins à avoir vu le petit Émile estiment qu'il était environ 17h30. Donc il se passe environ 45 mn. C'est assez court. Mais ça peut-être suffisant aussi pour une ou plusieurs personnes pour dissimuler un corps. Concernant votre deuxième question, tous les témoignages (y compris ceux d'habitants du hameau extérieurs à la famille) affirment que le petit garçon marchait dans les rues du hameau aux alentours de 17h30 donc il apparaît très peu probable qu'il ait pu disparaître la veille. Après, le témoignage humain étant toujours subjectif, les horaires dont nous faisons état peuvent varier de quelques minutes. Mais pas plus.
Pourquoi la perquisition de la maison de la famille Vedovini au Haut Vernet n'a pas eu lieu dans les jours qui ont suivi la disparition ?
MingBonjour Ming. Comme beaucoup d'autres maisons du hameau, celle de la famille Vedovini a fait l'objet d'une « visite domiciliaire » dans les jours qui ont suivi la disparition du petit Émile. Ce n'est effectivement pas une perquisition au sens juridique du terme et concrètement il n'y a pas, dans ce cas, de fouille approfondie. Pourquoi ? Parce que pendant les jours, et même les semaines, qui ont suivi il n'y avait pas de soupçons avérés sur la famille Vedovini et donc pas de possibilité juridique de déclencher une perquisition.

Pourquoi les ossements ont été déplacés, alors que le coupable était tranquille puisque depuis plus d'un an et malgré toutes les perquisitions et les fouilles, le petit corps n'avait pas été retrouvé ? Un élément nouveau l'a peut-être obligé
MamienouneBonjour, votre question est pertinente. Certes il y a eu des fouilles, mais un évènement a pu être déterminant. En mars 2024, 17 personnes ont été convoquées au Vernet pour une « remise en situation » en présence des enquêteurs et des juges d'instruction. Cet acte d'enquête visait à vérifier les témoignages de chacune des personnes présentes le jour de la disparition d'Émile et leurs « compatibilités » avec les constatations des gendarmes. Les 17 témoins ont tous reçu des convocations quelques semaines avant. Coïncidence ou pas, le corps du petit Émile semble avoir été déplacé à ce moment. Comme si, une des 17 personnes convoquées craignait que cette remise en situation puisse aboutir à de nouvelles fouilles ou en tout cas mette à mal certaines versions…

Le fait que le corps du jeune enfant soit déshabillé (pas décomposé dans ses vêtements) évoque-t-il nécessairement un acte de pervers ? Ou les gendarmes pensent à une autre raison, et laquelle ? On a retrouvé un tee-shirt. Donc il n'y avait pas de preuves sur ce tee-shirt, sinon pourquoi le déposer près du crâne ?
Jeanne-MarieBonjour Jeanne-Marie. Cette mise en scène avec le dépôt du corps et donc d'une partie de ses vêtements à proximité n'est pas forcément la « signature » d'un pervers. Simplement, si l'idée était de conforter la piste accidentelle avec l'enfant qui se perd, il fallait que le ou les meurtriers soignent cette « mise en scène » en déposant les vêtements portés ce jour-là à proximité. En réalité on peut considérer que c'est une erreur puisque c'est un des éléments qui a permis aux enquêteurs de conclure que la piste accidentelle n'était plus envisageable…
Durant la période des gardes à vue de la semaine dernière, un élément inconnu jusqu'alors du grand public fait état d'un témoin du Vernet ayant vu Emile déambuler seul dans le village, suivi ensuite par son grand-père, lequel a fait le chemin inverse ensuite sans Emile. Avez-vous connaissance de cet élément ? Est-il crédible ? Ce point a certainement dû être évoqué lors de la GAV. Savez-vous quelle a été la position du grand-père sur ce point précis ?
FloVaucluseBonjour, effectivement ce témoignage est apparu la semaine dernière à l'occasion du placement en garde à vue des membres de la famille. Il existe, et reste, comme tous les autres témoignages présents dans ce dossier, soumis aux limites du témoignage humain. Il est en revanche d'une importance cruciale puisque jusqu'ici Emile semblait s'être volatilisé seul sans personne autour. La présence possible du grand-père marchant dans la même direction est évidemment un élément qui a été au coeur des questions des gendarmes pendant la garde à vue. Mais nous ignorons précisément ce qu'il a répondu.
Est-ce que les gendarmes partent du postulat qu'Émile soit mort au lavoir du village du Haut Vernet ? Ainsi, la scène de crime est définie et permet de gagner un temps précieux pour la suite des investigations.
VictorBonjour Victor. Les gendarmes n'ont pas de « postulat » sur ce point. IL n'y a pas de scène de crime à proprement parler dans cette affaire. L'enfant disparaît certes au niveau du lavoir selon des témoignages. Mais ce n'est pas une certitude absolue. C'est toute la difficulté initiale de l'enquête. On ne sait pas avec certitude où Émile a disparu, ni dans quelles conditions.

On dit que le corps d'Émile aurait été conservé dans un congélateur. Est-ce vrai ? N'avaient-ils pas été fouillés dans les maisons du Haut Vernet en juillet 2023 au moment de la disparition ? Et quelle est l'hypothèse des enquêteurs quant à cette dissimulation dans un tel appareil ? Merci.
ElisaBonjour Elisa, la seule certitude issue des expertises est que le corps d'Émile a été conservé pendant plusieurs mois dans un endroit « stérile » c’est-à-dire à l'abri des intempéries notamment. L'utilisation d'un congélateur est une hypothèse parmi d'autres sans doute liées aux constatations faites par les experts.
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Bonjour à toutes et tous. Où en est l'enquête sur la mort du petit Émile ? Pourquoi les enquêteurs ont-ils la certitude qu'il a été tué, et de manière volontaire ou suite à un accident ? Que va-t-il se passer maintenant pour les grands-parents maternels qui ont été placés en garde à vue la semaine dernière ? Vous avez posé vos questions ; voici les réponses de Damien Delseny, le responsable du service police-justice.
Mort du petit Émile : presque 21 mois de mystère et de rebondissements
- Le 8 juillet 2023, Émile Soleil, deux ans et demi, qui commençait ses vacances chez ses grands-parents maternels au Haut Vernet (Alpes-de-Haute-Provence), disparaît. La gendarmerie est alertée vers 18 h et les premières recherches ainsi que des battues s'organisent.

- Le 20 mars 2024, les ossements de l'enfant, notamment un crâne, sont retrouvés par une randonneuse sur un chemin à environ 1,7 km du hameau. Les enquêteurs découvrent ensuite des vêtements du petit garçon.
- Le 25 mars 2025, après des mois d'enquête, d'analyses, de recueils de témoignages, les premières gardes à vue interviennent dans le cadre de cette affaire hors-norme : il s'agit du grand-père, Philippe Vedovini et de la grand-mère, Anne, ainsi que deux de leurs enfants majeurs, oncle et tante d'Émile. Ils ressortent libres deux jours plus tard.
